Luis Buñuel : les films mexicains

Entre les célèbres courts métrages L’Âge d’Or et Un chien andalou et ses films surréalistes comme L’Ange exterminateur, Luis Buñuel a réalisé au Mexique un bon nombre de films plus classiques. À l’exception de Los Olvidados, ils restent assez peu connus et ont même parfois été malmenés par leur créateur. Pas un d’entre eux pourtant qui ne soit excellent et qui ne mérite d’être vu. De l’un à l’autre, la pertinence du propos social et de l’analyse psychologique ne se dément pas. S’il est plaisant de voir lentement se constituer le savoir-faire d’un grand maître, il est tout aussi intéressant d’y découvrir un univers mexicain fort peu connu. Si certains de ces films mettent en scène des acteurs de grand talent, dans d’autres, comme Subida al Cielo, on voit plutôt des amateurs qui mettent en scène leur propre vie avec une naïveté touchante et une vérité qui confine au documentaire. Les films mexicains de Bunuel suivent parfois la production mainstream d’Hollywood comme son ombre, reprenant les mêmes thèmes avec une intelligence qui relègue les productions américaines au rang de jouets Fisher Price. Que l’on songe, par exemple, au parallélisme étroit entre El Bruto et Sur les quais, sorti presque simultanément, ce qui en fait une sorte de réponse, plutôt cinglante, au propos d'Elia Kazan.   

Neuf films à visionner :

El gran calavera / Le grand noceur (1949)
Susana (1951)  
La hija del engaño / Don Quintin l'amer (1951) 
Subida al cielo / La montée au ciel (1952) 
Una Mujer Sin Amor / Une femme sans amour (1952)
El Bruto / La brute (1953)  
El / Tourments (1953)
La ilusion viaja en tranvia / Les illusions voyagent en tramway (1953) 
The Young One (1960)



El Gran Calavera
El Gran Calavera (Le grand noceur) est le deuxième film mexicain de Luis Buñuel, un grand succès au Mexique, qui lui a permis de relancer sa carrière. Coproduit par Fernando Soler, qui y joue le rôle principal, c’est une comédie à la Molière, plutôt conventionnelle mais fort amusante. Depuis la mort de sa femme, le millionnaire Ramiro de la Mata  passe son temps à boire et à faire la bamboula, négligeant ses affaires et laissant son entourage lui soutirer de l’argent. Pour le «guérir», son frère Eduardo monte une mise en scène destinée à lui faire croire qu’il a perdu toute sa fortune. Mexique, 1949, 92 min. Sous-titres français exclusifs.

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Susana 
Susana, demonio y carne est le quatrième long métrage mexicain de Luis Buñuel. Susana, «démon incarné», s'échappe de l'école de réforme et s'incruste dans une famille paisible où elle séduit chacun et dresse le mari contre la femme, le père contre le fils et le patron contre l'employé. L'objet de l'étude psychologique est moins l'enjôleuse elle-même que le trouble que sa présence vient jeter dans une petite famille bourgeoise. Comme dans une expérience de chimie où l’on consigne soigneusement la réaction produite par une substance jetée dans une solution, Susana devient la révélatrice des conflits latents qui couvent sous les conventions familiales. Le happy end est sans doute une concession qu’on a exigée de Buñuel... qui a contourné le problème en l’exagérant jusqu’au ridicule. Mexique, 1951,1h26. Sous-titres français exclusifs.

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Don Quintin / La hija del engaño
Don Quintin l'amer, cinquième long métrage mexicain de Luis Buñuel, est une comédie de moeurs adaptée d'une pièce de Carlos Arniches. Don Quintin est un puriste qui se refuse à tremper dans des affaires louches, mais il change du tout au tout le jour où il découvre que sa femme le trompe. La méchanceté de l'homme déçu par la vie atteint bientôt des proportions surréalistes. Excellents acteurs. Mexique, 1951, 76 min. Sous-titres français exclusifs.

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Subida al cielo
Subida al cielo (La montée au ciel) est un road movie qui se déroule sur la route étroite et dangereuse qui relie le petit village de San Jeronimito à la civilisation. À la demande de sa mère mourante, Olivero, qui vient de se marier, doit ramener le notaire au village avant que ses frères ne parviennent à déshériter son petit neveu. Mais sur la route, les obstacles s’accumulent, le plus sérieux étant l’enjôleuse qui s’est mis en tête de le séduire. Tout comme Los Olvidados, ce film a des accents de documentaire, par le naturel touchant de ses acteurs pour la plupart amateurs. Mexique, 1952, 85 min. Sous-titres français exclusifs.

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Una mujer sin amor
Una Mujer Sin Amor (Une femme sans amour) est une adaptation de la nouvelle Pierre et Jean de Guy de Maupassant. Mal mariée à un homme riche qui la traite comme une servante, Rosario aime Julio mais refuse de partir avec lui parce qu'elle ne veut pas être séparée de son fils Carlitos, ni séparer Carlitos de son père. Bien des années plus tard, Carlitos découvre l'adultère de sa mère et le lui reproche amèrement. Portait sociologique de la condition de femme et de mère, Una Mujer Sin Amor est aussi une observation psychologique du désenchantement de l'enfant qui découvre que sa mère n'est pas une sainte. Mexique, 1952, 85 min. Sous-titres français exclusifs.

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El Bruto (La brute)
Un groupe de locataires se liguent pour résister à leur expulsion. Pour les intimider, le propriétaire, Don Andrés, a recours au services de Bruto, un colosse qui lui est tout dévoué. Mais après avoir rencontré Meche, la fille d'un locataire qu'il a tué accidentellement, Bruto prend peu à peu conscience de la méchanceté de son patron. El Bruto dépeint la brutalité de rapports sociaux biaisés en faveur de l'argent et du droit de propriété, dans une mise en scène criante de vérité ou des figurants semblent jouer leurs propres rôles. Mexique, 1953, 81 min. Sous-titres français exclusifs.

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El (Tourments)
Passionnément amoureux de Gloria, qui est fiancée à son ami Raul, Francisco parvient à la convaincre de l’épouser à sa place. Mais ce mariage se révèle rapidement un enfer. Francisco, qui semble très normal aux yeux des autres, révèle dans l’intimité une âme dominatrice et complètement désaxée. Malgré une ambiance très proche du genre fantastique (on aurait même l'impression d'y reconnaître la grosse maison baroque de la série The Munsters, le clocher de Vertigo, la transformation effrayante de Dr Jeckyll en Mr Hyde, l'effroyable manipulation de Rosemary's Baby et les rires sataniques des spectateurs du suicide dans Le locataire), El est une étude psychologique réaliste qui aborde un cas psychiatrique avec le détachement d’un entomologiste. En fait, l’observation clinique est tellement précise que Jacques Lacan l’a utilisé dans un séminaire sur la paranoïa. Mise en scène extrêmement soignée, jeu stupéfiant d’Arturo de Córdova. Mexique, 1953, 88 min. Sous-titres français exclusifs.

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La ilusion viaja en tranvia
Deux conducteurs de tramway viennent de perdre leur emploi parce que la compagnie a décidé d'envoyer leur voiture à la casse. Dépités, ils prennent une sérieuse cuite et, la nuit venue, décident de sortir leur bon vieux tramway pour «lui faire prendre l'air». C'est le début d'une folle balade qui durera toute la nuit sur les rails de la grande cité, où ils offriront gratuitement le service aux usagers. Comme une bête qui secoue son joug, c'est dans les vapeurs de l'alcool qu'une petite communauté de pauvres gens balaie pour un instant ces compagnies, administrations et règlements qui l'asservissent afin de se donner un moment de liberté régie par les vrais rapports humains. Échappée sans espoir, leur aventure se terminera le matin venu, et il s'agira alors d'éviter la punition de cette incartade. Mexique, 1953, 82 min. Sous-titres français exclusifs.

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The Young One (1960) 
Traver, un musicien noir, accoste sur une île du Golfe du Mexique après avoir échappé à ceux qui voulaient le lyncher pour un viol qu'il n'a pas commis. Sur l'île, propriété privée appartenant à de riches amateurs de chasse, vivent Miller, le garde-chasse, et Evie, la petite fille de son assistant qui vient de mourir. On pourrait se croire en présence du drame traditionnel sur le thème du racisme, si le film ne nous plongeait pas aussi dans les eaux troubles de l'inceste. Dans le huis-clos de l'île, quatre hommes adoptent des attitudes différentes face au désir que l'innocente Evie éveille en eux. Traver repousse la tentation «parce qu'il est un type bien» et se lie d'amitié avec elle; Miller cède au désir incestueux car «comment voulez-vous qu'un homme se retienne, sur cette île déserte»; le pasteur sublime son attrait pour l'enfant en amour universel. Le plus inquiétant des quatre est Jackson, dont le mépris pour la sexualité va de pair avec la haine paranoïaque du Noir. «Je crois au péché, et à l'expiation» : cette phrase du pasteur est la clé du film, car c'est son faible pour la jeune Evie qui va éveiller Miller à la conscience, après lui avoir arraché son premier sourire. Tourné au Mexique, en anglais avec des acteurs américains, 1960. Sous-titres français exclusifs.

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